L’émir et la grenade
Une histoire de Vincent R.Dinterich
Il y a bien longtemps, à l’époque d’Al-Andalus, vivait dans le sud un puissant émir. Après une longue vie passée à guerroyer et à diriger son domaine avec justice et équité. L’émir, qui était maintenant d’un âge avancé, se sentait vieillir et perdre ses forces. Conscient de la nécessité de léguer sa couronne et n’ayant pour descendance qu’une fille unique. Le puissant émir se persuada de lui chercher un mari, qui deviendrait par la même occasion son héritier.
En quelques jours, de nombreux cavaliers portèrent le message dans tout le pays et bien au-delà.
”L’émir de Granada, cherche un prétendant pour sa douce fille Noûr. Lequel héritera du royaume.”
Par la suite, trois prétendants eurent l’audace de se présenter devant le puissant souverain. La décision était difficile à prendre. Alors l’émir décida de lancer un défi afin de les départager.
“Messeigneurs, vous, qui convoitez ma ravissante fille, ainsi que mon émirat, je vous met au défi. Dans trois jours, amenez-moi la chose la plus précieuse qu’il puisse exister sur notre terre. Ainsi, je me déciderai.”
Le premier prétendant, qui était le prince d’un puissant royaume frontalier. Choisi son cheval le plus rapide. Il parcourut les chemins d’Al-Andalus aussi vite que le vent puisse souffler, afin de trouver un objet précieux. Le second, était le sultan d’un lointain royaume. Il prit son bateau le plus léger et parcourut la mer à la recherche de somptueux trésors. Enfin, le dernier prétendant était un jeune gouverneur de l’émirat, à peine connu et avec peu de fortune. Ce dernier, n’ayant ni navire, ni cheval rapide, s’en alla chercher son présent à pied.
Les trois jours passèrent et l’heure du verdict vint. Toute la cour, les vizirs et toutes les personnes influentes du royaume étaient venus au palais assister à l’événement. L’émir entra, s’assit et demanda aux prétendants leurs réponses au défi.
Le prince prit la parole est dit :
“Oh grand émir, j’ai parcouru les routes d’Al-Andalus jusqu’au Taïfa de Valence. Voici la chose la plus précieuse qu’il puisse exister sur notre terre. Voici la couronne d’une princesse antique, d’or et serti de pierres précieuses et d’ivoire.”
Puis, le sultan s’avança et prit la parole :
“Oh puissant souverain, j’ai parcouru les mers jusqu’au Maghreb al-Aqsa. De son ventre, est sorti l’objet le plus précieux de notre terre. Voici ce rubis dont la valeur dépasse celle de mon royaume”.
Enfin, ce fut au tour du jeune gouverneur :
“Oh grand souverain de Granada. Je suis allé non loin de ton palais et tout humble que je suis, je t’offre ce présent”. Le jeune homme tandis une grenade.
L’émir dubitatif, saisit le fruit de ces mains et demanda :
“Un simple fruit ! Qui a-t-il de si précieux ?”
Le gouverneur répondit :
“Emir, je ne t’offre pas un fruit, mais le temps. La chose la plus précieuse de notre de terre. La chose que toute personne perd et ne peut acheter, qu’il soit riche ou pauvre. Mon souverain, j’ai cueilli ce fruit mûr et juteux il y a trois jours et maintenant, il se ramollit. Je t’offre donc le temps qui passe et chacune de ses graines représentent les choix que nous faisons ou non.”
Le vieil émir, conscient plus qu’aucun autre de l’importance du temps. Il décida de marier sa fille Noûr au jeune gouverneur et les noces se déroulèrent le jour même.