Considérés comme étant l’un des symboles les plus kitch qui soient, les nains de jardin sont toujours et encore des objets perpétuant les traditions, et résistent à la modernité ambiante et omniprésente. On les retrouve dans de nombreux jardins des quartiers dits pavillonnaires, ou autres types de propriétés plutôt résidentielles. Les propriétaires de ces jardins à l’aspect atypiques, sont appelés les nanomanes, ce qui signifie « collectionneurs de nains de jardin ». Lorsque l’on parle de collection, on parle évidement toujours de raretés, et les nains de jardin les plus rares, qui possèdent des propriétés plutôt intéressantes, font souvent l’objet de … vols, où, selon certains groupuscules légèrement farfelus, de « libération ». Essayons de décrypter ce phénomène qui perdure ! Voici l’histoire du nain de jardin.

Peut-être kitsch, certains diront même que cette tendance est totalement démodée. Mais les études commerciales le prouvent : les nains de jardin ont toujours et encore le vent en poupe ! Ces lutins colorisés portent leurs bonnets rouges ainsi que leurs longues barbes d’une manière flamboyante et sont toujours très recherchés par les amateurs de décos extérieures. Et ils ont su évoluer avec leur temps pour se débarrasser de leurs oripeaux traditionnels et devenir des figurines à la fois originales et étonnantes. Et vous, qu’attendez-vous pour accueillir une colonie dans votre jardin ?

Un nain de jardin, c’est quoi au juste ?

L’imagination collective des hommes a produit cet objet décoratif extérieur à la suite de la publication du conte de Blanche-neige, permettant ainsi de simuler la présence de nains similaires à ceux du conte, dans le jardin de monsieur et madame tout-le-monde : ils sont en apparence très proches de la description qui avait été faite à l’origine des nains entourant Blanche-Neige : en effet, ils sont par définition petits (taille moyenne constatée 45 centimètres de haut), ils sont plutôt en embonpoint et portent un bonnet dont la couleur est souvent rouge (bleu parfois, ou encore vert dans certains autres cas). La longue barbe blanche est également un signe distinctif et caractéristiques de ces petits bonhommes ventripotents. Traditionnellement, le nain de jardin possède de bonnes grosses joues rosies, et portent également une ceinture leur permettant de porter leurs pantalons hauts, et leurs chaussures sont coquées, dans la plupart des cas noires.

L’origine véritable du nain de jardin

L’origine de ces lutins immobiles est digne d’un conte de fée, et se situerait aux environs du XVème siècle, à la période dite pré-Renaissance : ils étaient alors représentés par de petites statuettes, taillées dans le bois, et peintes à la main, pouvant servir d’amulettes afin de donner protection aux travailleurs des mines de Cappadoce (Turquie), qui portaient habituellement un grand bonnet fait de paille pour parer aux éventuels chocs, exactement comme ces petits gnomes ! Puis les nains de jardin évoluèrent et furent sculptées dans le marbre à partir du XVIIème siècle. Il est encore aujourd’hui possible d’en voir de cette époque, conservés au sein de musées dédiés, dont certains exemplaires rares et précieux pour les collectionneurs.

Quelques décennies plus tard, voire un siècle, c’est au tour des pays germaniques, Allemagne et Suisse en particulier, de se mettre à produit de manière industrielle les nains de jardin, cette fois en utilisant des techniques incluant de l’argile cuite (proche de la céramique), donc peu coûteuses et pouvant répondre à une demande grandissante. A ce moment de l’histoire du nain de jardin, ce dernier ne s’appelait pas encore ainsi. Puis, cette la tendance du nain de jardin s’empara des régions alentours, et gagna l’Alsace, la Rhénanie, ainsi que l’Autriche.

La première usine de production de nains de jardin en céramique a été créée en 1872 dans la petite bourgade de Gräfenroda, par l’Allemand August Heissner. A ce jour encore, cette société est le leader mondial de production de ces nains de jardin. A partir de 1880, la plastique fit son entré en tant que matériau de fabrication, ainsi que d’autres matériaux synthétiques, donnant aussi naissance à un autre marché en pleine expansion, celui de la contrefaçon.

L’Allemagne est depuis considérée comme étant le berceau de l’histoire du nain de jardin. C’est également dans ce pays que ces statuettes rigolotes sont le plus appréciées, devant l’Angleterre et l’Autriche. En Allemagne, les jardins et balcons regroupent près de 27 millions de nains de jardin de tous types et toutes origines ! L’Allemagne est également le plus gros producteur et exportateur de ces objets décoratifs extérieurs, avec près de deux millions d’exemplaires produits. La grande majorité de cette production est destinée aux pays avoisinants, mais également au Japon, aux pays Scandinaves et les États-Unis.

L’Angleterre n’est pas en reste, car elle jouera au final un rôle important dans le succès de ces gnomes colorés. En effet, Sir Charles Isham, grand propriétaire terrien Anglais, et passionné de jardinage, en rapporté plus d’une vingtaine de ses voyages divers, vers le XIXème siècle pour donner une touche « moderne » à son jardin ! La mode fut alors lancée. Les nains de jardin envahissaient les jardins d’Europe en quelques mois !

L’histoire du nain de jardin d’Ottmar Hörl

En France et en Allemagne, le nain de jardin est considéré depuis une trentaine d’années comme étant un véritable sujet de discorde. En effet, ces objets décoratifs font l’objet d’une véritable fascination pour les uns, tandis que pour les autres, il s’agit du symbole absolu du mauvais gout. L’artiste Ottmar Hörl jette son dévolu sur le petit bonhomme dès le début des années 80. Il ne sait pas encore que ce personnage mythique si particulier deviendra le personnage central de ses œuvres les décennies à venir. Il commence en installant en 1985 soixante nains de jardin jaunes dans une galerie d’art située à Francfort ; certains de ces nains sont orientés vers un mur, les autres montrent leur arrière-train plutôt rebondi !

Ottmar Hörl créé et présente des œuvres dont le style est assez particulier : ses sculptures et statuettes, toutes monochromes, ne sont pas uniques, mais reproduites en séries, et installées dans les musées du monde entier, mais aussi les parcs, les jardins, ou encore les villes… C’est en 2004, que cet artiste fabrique 10 000 chouettes aux couleurs uniques des anneaux olympiques, et les installe sous forme de carré géant dans un stade de près de 4000 m2, l’œuvre ayant été dédiée aux Jeux olympiques d’Athènes (L’œuvre s’intitulait : « Carrying Owls to Athens »). Il sévit une fois de plus en 2016, avec l’installation de centaines de statuettes d’escargots dans le centre-ville d’Essenheim (Nom de l’œuvre ; « Avant-garde Snail »). En 2015, ce sont 2000 statuettes de lions, (emblème de la Bavière), qui sont disséminées au sein de la ville de Munich (Nom de l’œuvre « Bavarian Lion »). Puis, enfin, en 2010, près de 800 sculptures de Luther sont installées dans la ville de Wittenberg, ville où d’ailleurs, les idées réformatrices de l’artistes prirent formes.

Puis, focalisant sur ces personnages, l’artiste lança neuf ans plus tard, une nouvelle œuvre nommée « Rolling Change », où mille nains cette fois bleus, sont entreposés partout dans la ville de Seligenstadt (Arrêts de bus, jardins publics etc…). Il n’y restèrent guère longtemps, puisque en moins de vingt-quatre heures, tous les nains avaient été subtilisés .. ou plutôt déplacés vers des jardins privés, ou sur des tables basses à titre d’ornement. L’objectif caché de l’artiste était en effet de démontrer artistiquement le transfert de l’espace public vers l’espace privé !

D’autres types de nains naquirent par la main d’Ottmar Hörl, chaque nain étant reproduit à de nombreux exemplaires, et exprimant chacun un message bien particulier. Parmi les déclinaisons, il est possible de trouver les œuvres suivantes de l’artiste : en position de prière (Œuvre appelée (« Ben »), puis avec une main tendue pour apparemment saluer (Œuvre “Welcome”), ou encore le typique aveugle-sourd ou muet (Œuvre “Geheimnisträger Nichts Sehen, Nichts Hören, Nichts Sagen”), et pour conclure, celui aux doigts en V (Œuvre “Victory”), œuvre sensible car le lutin imite le salut nazi, dans le but de se moquer du concept de la supériorité de la race blanche. (Œuvre “Dance with the Devil”).

La naissance de Sponti, le nain au doigt d’honneur

Parmi les œuvres citées précédemment, il existe un phénomène, sorte de comète artistiques parmi les nains de jardin : Il s’agit de Sponti, le nain de jardin activiste, gnome faisant un doigt d’honneur. Il est né il y a une dizaine d’années, lorsque l’artiste fut pris d’une envie pressante de provocation. Une provocation à vocation humoristique qui incite à la désobéissance toute en espiègleries… et partout autour de la planète. Mieux encore, Ottmar Hörl décida de « suivre les aventures » de Ponti à travers la planète au travers de son site. Il incite et propose aux internautes possédant un Sponti de décrire ce qu’il fait, entre autres, s’il part en vacances, s’il joue à la pétanque, ou s’il visite de nouveaux jardins. Ou quand l’humour artistique prend le dessus !

Il est donc possible de suivre de manière interactive les aventures des Sponti du monde sur une carte temps-réel que l’artiste à mis à disposition gracieusement. Et c’est un succès, propriétaires de Sponti du monde entier décrivent les aventures … figées…. de Sponti de la Nouvelle-Zélande, à la Suisse, en passant par le Chili, sous le soleil de San Francisco ou encore à Barcelone.

Le front de libération des nains de jardin

Au cours des années 90, des centaines de nains de jardin disparaissent littéralement ! Cela se passe dans la ville d’Alençon, petite ville de trente mille habitants, dans l’Orne en Basse-Normandie. Dans ces années, les jeunes générations s’ennuient énormément. Un théâtre, un cinéma et une salle de concert ne suffisent plus à assouvir leur soif d’animation. Puis, un jour de Mai 1996, un fait divers dans les journaux locaux, surprends les gens, sans expliquer de mises à morts sordides, ou décrivant de blessés graves. Ce fait défraie la chronique pour prendre place jusque sur les chaines nationales ! Des nains de jardins sont volés dans des dizaines de jardins partout dans la ville et aux alentours. Le Front de Libération des Nains de Jardin, ou plus communément, le FLNJ était né !

Le Front de Libération des nains de jardins se propage !

Les années qui suivirent, des actions identiques ont eu lieu partout en France. Mais pourquoi donc ce canular risible et sans fin prend-il une ampleur pareille, allant jusqu’à être relevé dans la presse internationale ? N’était-ce d’ailleurs qu’un simple canular, ou une simple envie de couper dans le vif la sobriété et la quiétude des jours paisibles des bourgades avoisinantes, contre l’ennui assommant la population des provinces Françaises ?

Le canal historique du Front de libération des nains de jardin

Cette rocambolesque histoire de nain de jardin indique des premiers cas de nains volés, puis retrouvés dans les forêts alentours ont lieu au milieu des années quatre-vingt-dix. Les archives montrent des jeunes, filles et garçons, masqués ou cagoulés, qui posent autour de leur… « prise ». Canular marrant ? Délinquance futile ? Mais la presse locale s’empare de l’affaire. Puis c’est au tour de la presse nationale, et internationale ! Bientôt, le FLNJ est représenté partout à travers le pays.

Un peu avant l’an deux-mille, le FLNJ, qui agit un peu partout en France, se fait lentement oublier. Mais c’est sans compter sur la fascination qu’on les Européens pour cette figurine, en effet, on commence à voir les nains de jardins au cinéma, (Amélie Poulain), sur des affichettes promotionnelles de la Foire de Paris, autant que dans des expositions d’art contemporain particulièrement sérieuses et sobres. Et oui, le nain de jardin, adoubé par le FLNJ et la promotion assurée depuis des années, est devenu un incontournable objet issu de la Pop Culture !

Le dernier épisode : 1997

Tel que décrit, il s‘agit là d’un véritable cauchemar pour les intéressés propriétaires de nains de jardin victimes du vol de leurs petits personnages, désormais à la merci des preneurs d’otages comiques ! Début 97, 55 nains de jardins furent libérés sur …. un radeau, en plein étang, celui de Pont-l’Abbé. C’est Monsieur Yvan Thomas, le patron du « Yacka », situé dans la ville de Plonéour, qui en découvre un , un dimanche matin, à l’entrée de son café. En fait….un nain de jardin qui attendait de pied ferme l’ouverture … certainement pour étancher sa soif ! Pourtant, aucune rédaction locale n’obtient d’informations. Aucune nouvelle du Front de Libération des Nains de Jardin. L’histoire du nain de jardin prend une nouvelle tournure.

Mais contre toute attente, d’autres associations naissent, telles que « l’Association de Sauvegarde des Nains de Jardins bigoudens » (qui a pour but de sauver les petits personnages en empêchant le FLNJ de commettre d’autres enlèvements). Et ces derniers n’ont pas perdu de temps pour communiquer sur leurs actions ! Voici un extrait de courrier délirant remis aux rédactions locales : « La campagne de notre comité a pour but salvateur de conserver l’autonomie du peuple jardinier » … En effet, ses membres circulent réellement la nuit afin de garantir la sécurité de…. « leurs amis les nains » contre la possibilité permanente de rapts sauvages et nuisibles.

La fin de la lettre met en avant le fait que « le nain est notre ami, respectons-le ». Le FLNJ représente un crime contre la nanité ! ». Sur internet, c’est l’association « Nains de jardins » de la ville de Langouët en Bretagne, qui émerge. L’objectif de cette association est « de valoriser le nain de jardin comme révélateur social et culturel », et tente de créer un relationnel entre adorateurs de la petite statuette, et collectionneurs, associations, voire des fabricants, l’objectif à court terme étant d’organiser en 1998 un colloque international des nains de jardins en région Parisienne….

Nanomanie et nanologie : devenir ou être dingue des nains de jardin !

C’est au travers de la nomenclature botanique, que le nain de jardin fut parfois désigné (sous forme de boutades) par le terme latin « Nanus hortorum vulgaris », ce qui signifie après traduction littérale « nain ordinaire des jardins ou parcs ». Les (plus nombreux que l’on pourrait s’imaginer) collectionneurs de nains de jardin sont appelés les nanomanes. Ils ont pour habitude de dire que, nous citons ; « Leur amour grandissant pour ces petites statuettes, est inversement proportionnel à leur taille » ! L’histoire du nain de jardin est définitivement pleine d’humour !

Imaginez donc : Même en Suisse, vers la fin du XXème siècle, les nains de jardin donnèrent naissance à une science nouvelle à part entière : la nanologie ! C’est Monsieur Fritz Friedmann, auto-proclamé « professeur de nanologie » qui en est à l’origine. Ce dernier est également l’auteur d’un livre : « Zipfel auf : Tout sur les nains de jardin » ! Aussi risible que cela puisse paraître, il s’agit d’un texte scientifique particulièrement sérieux décrivant tous les aspects du nain de jardin dans toute sa splendeur. Il fonda d’ailleurs en 1980 l’IVZSG, l’association internationale pour la protection des nains de jardin, parfait contraire du Front de Libération des Nains de Jardin !

Il y décrit les formes les plus variées des nains de jardin, des plus modernes aux plus insolites, en passant aussi par les plus controversées. Cependant ce sont les figures classiques (nain travailleur avec lanterne, brouette, pioche, outil de jardin, hotte rouge) qui furent, et restent les plus recherchés et installés dans les jardins Européens. L’histoire du nain de jardin se diversifie, voire se bonifie avec le temps !